Lepithec a écrit :Belle intervention Isaius, je crois que tu as mieux compris le film que beaucoup de gens (notamment pas mal de gens que je connais qui se revendiquent critiques de cinéma).
Pour ma part, il aura fallu une deuxième vision, dégagée de toute tentative de théoriser le film, pour le comprendre (enfin, je crois !). Car c'est un film de pure mise en scène, il n'y a rien à analyser, c'est un film d'une simplicité inouïe finalement. Seulement, Malick raconte cela de manière hyper libre de toute contrainte dramaturgique traditionnelle, il l'évoque à sa manière. C'est là que je peux comprendre que le film ennuie ou rebute, car si l'on n'accepte pas ce parti pris, c'est fini, le film devient je pense un vrai chemin de croix ! Mais finalement oui, c'est tout simple, tu l'as parfaitement résumé Isa. Les propos religieux sont des pistes suivies par des personnages en quête de réponse, d'une compréhension du sens de la vie. Jamais, jamais, jamais Malick ne l'impose. Au contraire effectivement, il MONTRE le Big Bang, la naissance de la vie... Pas de dieu là-dedans. Malick se borne à filmer l'essentiel : la confrontation (qui est le moteur de la vie, du vivant). Confrontation à la mort, confrontation au père, confrontation à la religion (imposée par la famille, la société), confrontation aux autres en général, confrontation à soi (qui suis-je ? Dois-je suivre la voie de mon père ou celle de ma mère ?), confrontation au sacré (si je ne crois pas en dieu, que dois-je croire ?)... Bref, que des questions finalement simplismes et universelles, qui traversent la vie de tout un chacun. Le génie de Malick est de tenter de les filmer, de les associer par l'image et la musique, et de ne presque jamais l'évoquer verbalement. C'est à la fois hyper ambitieux comme projet et très humble, car ça parle tout simplement de l'intime. Si ça ce n'est pas du Cinéma, alors merde !
Et je dis ça alors que j'ai adoré TOMBOY de Céline Sciamma, qui finalement parle de choses assez proches, à une échelle plus petite. Mais il est tout aussi question de l'intime et du rapport aux autres. Dans les deux cas, il s'agit de films très humbles qui portent un regard très tendre sur l'enfance et le rapport aux autres, à la société.
Oui, et d'ailleurs je comprends parfaitement pourquoi, comment et en quoi le film vous touche, car il m'a touché aussi (pas de la même manière), et ça m'a conduit à une réflexion (mince) et à un avis défavorable (plutôt irreversible)...Je ne suis pas surpris du coeur que peut contenir un film, et de ce que ce centre prend racine à l'intérieur du spectateur... Je n'enleverrai à personne cette expérience, elle vous appartient en propre. Une critique négative n'est pas une dénégation (qui se poserait en point de vue supérieur) mais plutôt une incompréhension profonde, incompréhension ici qui vient du changement qu'a pris en un film la filmo de Malik...Dans tous les films de Malik, il y a une réalité tangible qui imprime à l'image même, une gravité, une tension, une méditation subtile (d'où cette durée nécessaire des plans larges sur une nature isolée de l'homme qui la contemple) qui est la condition d'un sous texte riche et claire (et non, simple). Malik ne s'attache ni aux arbres ou aux paysages (souvent parcourus d'eau), ni aux êtres humains pour les confondre dans un creuset universel ou tout serait dans tout et rien dans rien. Il envisage de montrer (et là réside la grâce de son montage) une séparation (de l'homme à son environnement), à la fois eternelle et damnée, qui fait d'un Paradis un Enfer dans lequel on chute...ce propos des grandes heures bibliques, est toujours assez évident pour qu'on puisse éliminer nombres des défauts d'une telle matière, et s'interesser à la manière dont le cinéaste a évité de sombrer dans un message New Age(voici vous l'avez compris les griefs résumés à leur inverse, qui incombent à tree of life). Il n'y avait rien de faciles ou de trop évidents chez Malik (sauf cette esthétique mais il l'a contrebalancée par un montage hérité du néo réalisme, de même pour la direction d'acteur, comme OLMI), pas de constructions gratuites, de procédés trop artificiels, de démonstrations démiurgiques, clairement parceque la puissance dramatique des films tenaient, venait d'une construction qui partait de l'humain, y restait le plus possible, et parvenait (mais pas à chaque films, l'echec de la Ligne Rouge se retrouve aussi là, à mon point de vu), à rendre à la Nature sa place dans la Culture.
Tree Of Life tue toute espoir, s'enferme dans ce corps-Jack, qui aurait pu être fascinant, "être" privé du monde incapable d'y vivre, à l'image du cinéaste lui même soumis à toutes les tentations chimériques pour échapper à cette tragédie des mourrants, ou à sa propre insignifiance (thème en lui même, bien riche, et bien exigeant, mais pas assez pour Malick). Mais là où les rêves de Malick étaient sens, avec tree of life ils deviennent procédés, vernis industriels et magalomanie galopante. Malick grâce à l'aura acquise n'est donc plus ce prodigieux timide? Esthéte grandiloquent mais romancier subtile, de l'âme humaine ? Il prouve avec ce tree of life que caricaturer son propre style ne mène à rien. Lumiéres rasantes, lumières partout, filtrées, aveuglantes, dont on préfère ignorer le sens, echec à filmer (enfin) la modernité, à part comme mille autres avant lui. Surplace infini, images faciles qui se jouent en images pures (type Yann Arthus Bertrand en coït avec Tarkovski), mysticisme sans nuances (je reste insensible avec les questionnements du type "pourquoi serai-je bon, si tu es méchant" posés par une voix off, c'est aussi désarmant que insensé), et un fatras baroques, qui n'a rien pour le sauver que l'écho qu'il peut rencontrer, moment isolé et insensé, ni drôle, ni ironique, ni vrai. Sans doute l'homme bien conscient de son besoin viscéral de faire communier son spectateur (Malick est un prédicateur, aucun doute), en a oublié que le rêve né d'une suggestion, pas d'un déluge... Je pourrai m'étaler sur cette fin insuportable, mias ce qui m'agace, c'est qu'avec ce film, j'ai l'impression qu'une tâche indélébile vient se former sur les autres oeuvres, que tree of life a délavé, bavé sur ce que je continue de trouver, fort et bon, parceque la matière servait de tremplin à l'esprit, dans tree of life l'esprit semble avoir étè réduit à une contingence mystique, voir à un procédé cinématographique grossier...Ce sont mes reproches, et l'idée que ce film n'a rien d'indispensable à part le fait qu'il le proclame si haut et si fort, ne m'autorise qu'à adresser une mise en garde... En croyant monter trés haut Malick ajuste perdu le bas, le film plane, désarticulé, mais il offre suffisemment de belles lumières, de beaux objets, de tonitruantes musiques...pour y voir son chef d'oeuvre, pour y trouver sa piste de réflèxion. Pour moi tree Of Life est une affirmation terrible, celle que Malick est terriblement vieux...mais rien de la sagesse, tout du gâtisme, et que les moyens déployés pour le peu d'effet...
Je n'ai pas répondu à ton message pas réellment parceque oui, en artiste soucieux de ses formes, Malick réussi une alchimie entre musique/Image et questionnements, je suis d'accord, c'est le principe de base de toute sa filmo (c'est sa touche ++, d'un cinéaste entouré de super techncien...), mais de tout le cinéma américain de studio aussi, ce que je veux dire c'est que par ces qualités même, le film était le moins prompt à poser ces questions qui ne percent que si elles ne se contentent pas d'être le voeu pieu d'un cinéaste et la réalité du mode d'être du film...mais qu'elles puissent emmener en elles, un savoir, un language sur le monde, ce que les moissons du ciel et badlands faisaient admirablement, ce que tree of life fait démesurément.