Oui bon, j'avoue, c'est surtout que je ne voulais pas sortir immédiatement de l'ambiance du voyage, et que j'avais trouvé "Sodom and Gomarrah" dans ma boite à lettres !
Donc, le programme :
EL CID : Overture - Love theme
THE THIEF OF BAGDAD : Overture - The love of a princess - The market at Basra
PROVIDENCE : Valse crépusculaire - générique final (non précisé sur le programme)
IVANHOE : Prelude/Lady Rowena/Finale & Epilogue
QUO VADIS : Romanza - Ave Caesar
entracte
SODOM & GOMORRAH : Theme & Answer to a dream
THE PRIVATE LIFE OF SHERLOCK HOLMES : Gabrielle
THE GOlDEN VOYAGE OF SINBAD : Prelude/Sinbad battles Kali
KING OF KINGS : Entr'acte
BEN-HUR : Prelude - Love theme - The rowing of the galley Slaves - Parade of the charioteers
Rappels :
EL CID : March
THE PRIVATE LIFE OF SHERLOCK HOLMES : Castles of Scotland
Bon, comment le dire, à part que ce fut Noël avant l'heure ? Après trois jours de visite de cette ville magnifique, l'idée de me rendre à un concert dans l'illustre Dvorák Hall était en soit excitante pour moi. Cette salle du Rudolfinum (ou Maison des artistes) fut en effet l'écrin de nombreux enregistrements historiques de musique tchèque, en particulier les enregistrements "mythiques" de "Ma Patrie" par Talich puis Ancerl, ou de sa "Symphonie du nouveau monde".
Durant nos visites (j'étais accompagné par une amie et une de mes sœurs), nous ne somme tombés qu'une fois sur une affiche du concert, un peu perdue au bas d'un mur parmi la multitude des concerts et spectacles praguois. Mais ça fait tout de même plaisir. Ensuite, c'est évidemment sous le regard de Dvorák (du moins sa statue, qui fait face au Rudolfinum) que je me suis approché pour la première fois de l'affiche du concert officiellement exposée en haut des marches... ça, c'était deux jours avant le concert. La tension monte déjà ! Puis, en ballade au matin du 28, nous tombons sur un tournage au pied du Rudolfinum : reconstitution d'une scène de la seconde guerre mondiale, avec militaires, barbelés et traction avant. Sympa.
Mais venons en au fait : le soir du concert. Ambiance très "vieille europe", la plupart des spectateurs étaient en tenue de soirée - comme je le craignais. Nous étions un peu décalés avec allures de touristes et chaussures de marche, mais rien de grave : nous n'avons eu droit qu'à des sourires et, très en avance, avons été quasiment les premiers à entrer dans la salle (juste après un homme qui avait l'air encore plus fébrile que moi à l'idée d'être là !

)
Nous étions placés au premier rang du balcon. La vue est idéale. La salle mythique et son orgue sont maintenant bien réels, ainsi que les pupitres d'orchestre qui, par un effet de transfert, semblent attendre impatiemment les musiciens. La salle tarde à se remplir, et sera finalement loin d'être comble, malheureusement. Difficile de rassembler un large public à Prague pour ce type de concert, et le peu d'affiches rencontrées dans la rue n'y est sans doute pas étranger - de plus c'était un spectacle "parallèle", non inscrit dans la saison du Rudolfinum. Mais ça ne risquait pas de gâcher notre plaisir. Au premier rang, je remarque James Fitzpatrick, et un homme plus mince (peut-être Luc van de Ven, par sûr, je ne connais que sa voix !) Les musiciens entrent, suivis par leur talentueuse Concertmaster et premier violon solo, Lucie Svehlova, puis par le chef, Nic Raine. Et ça commence, enfin.
Les cuivres de El Cid pétaradent d'emblée de superbe manière, le ton est donné. Spectaculaire. Sans doute même un peu trop massif parfois (j'aurais aimé plus de nuances sur certains morceaux). D'où je me trouve, l’acoustique semble étouffer les cordes, ce qui participe à ce jugement ; c'est souvent ainsi au concert, la puissance se fait au détriment de l'équilibre entre les pupitres (surtout par rapport à des enregistrements de BO en studio). Mais l'impact compense largement, le plaisir reste intact, et même la surprise : ici, pas d’exécution à moindre risque, pas de tempi mous, il est clair que l'orchestre n'est pas venu faire de la figuration, et même qu'il entend faire une démonstration de virtuosité ; ça va vite et fort, tout le monde se donne au maximum, avec de la précision et beaucoup de justesse, jusque dans des tempi toujours rapides et même parfois d'une rapidité extrême (mention spéciale aux cuivres). Quel plaisir d'entendre ça ! Les morceaux se succèdent... Les soli de Lucie Svehlova (El Cid - ...Sherlock Holmes - Ben-Hur), parfaits, le "marché de Basra", virevoltant à cent à l'heure mais parvenant (malgré un départ un peu hésitant à cause des applaudissements du public) à maintenir la précision nécessaire, l'émouvant "Answer to a dream", les marches romaines viriles et écrasantes mais toujours sur un pas rapide (pas facile vu le poids des armures !). Point d'orgue de virtuosité, les galères de Hen-Hur évoluant tout aussi rapidement, à un rythme qu’aucun galérien n'aurait pu tenir : ça en devenait presque une sorte d'enfer mécanique, s'éloignant de la description initiale de ce morceau (l'effet d'accélération progressive étant du coup peu marqué), mais jouissif (voir le récent enregistrement Chandos qui prenait le même parti). Point faible de la soirée, encore que : la valse crépusculaire de Providence, jouée à mon sens trop "droit" par le pianiste, avec trop peu de nuances rythmiques et dynamiques, l'instrument étant de plus écrasé sur le côté de l'orchestre et au fond. Du coup il sonnait platement, un peu comme un écho lointain et triste de la version du film, une version ensommeillée... ce qui, en y réfléchissant, n'est pas incompatible avec le titre du morceau ! Reste que l'accompagnement orchestral était lui aussi un poil hésitant malgré la battue trop régulière, comme au clic-track... à mon avis, ils ne l'ont pas assez répété. Le générique final est venu comme pour compenser ce moment imparfait.
Pour finir, les deux rappels : une marche de El Cid manquant de présence des cordes (de là où je me situais du moins), mais là-encore une puissance et un rythme imparables qui m'ont donné la banane. Puis, surprise, la musique écossaise de "La vie privée de Sherlock Holmes" (sans les cornemuses) est venue donner une dose d'humour et de bonne humeur. Au passage, Nic raine a raconté une petite anecdote où il était semble-t-il question d'une fâcherie avec son épouse durant une session d'enregistrement, mais ne comptez pas sur moi pour vous la raconter : du balcon ses paroles étaient peu audibles, et même ma sœur et l'amie qui m'accompagnaient, malgré leur haut niveau d'anglais, n'ont pas réussi à suivre.
L’ambiance était bonne mais tout de même un peu trop polie je trouve, "vielle Europe" comme je le disais plus haut (pour ne pas dire snob), on était loin du rassemblement de fans à l'américaine - mais bon, Rozsa était franchement dans cette tradition... Pas un éclat de voix, mais des applaudissements très fournis tout de même. Fitzpatrick s'est levé pour dérider tout ce beau monde, et de mon côté j'ai crié quelques "Bravo" qui semblent avoir mis tout le monde d'accord... enfin, si j'ai été entendu !
Bref, super musique, orchestre et chef super motivés, super soirée. A noter que des micros de qualité studio étaient installés, mais j'ignore si Tadlow a enregistré pour des archives ou une édition CD. J'espère vivement que la seconde hypothèse est la bonne !