Depuis peu je réécoute en boucle la nouvelle édition du Heavy Metal d'Elmer Bernstein, en particulier son mix "album" doté d'une spectaculaire profondeur. Elmer s'est visiblement beaucoup investi en dépit d'une cohabitation obligée avec un panel de chansons rock - à moins qu'il ne fut poussé par elles à se surpasser ? Du fait de leur hétérogénéité, il devait d'autant plus uniformiser sa partie musicale pour lier les épisodes, via un motif conducteur propre à beaucoup de films à sketchs (ici le Loc-Nar), mais aussi un son orchestral relativement homogène, la différentiation des épisodes étant principalement thématique (ô combien) en dépit de rares marqueurs comme le saxophone solo. Et quel résultat ! Une écriture qui respire à chaque seconde indépendamment de l'image, digne d'une salle de concert, à la fois puissante et fine, épique quand nécessaire sans tomber dans la caricature (aujourd'hui "Hulk en Borg" nous saccagerait tout ça à coup d'ostinatos sans fin, au grand bonheur des fans de marteau-pilon). Bref, la classe totale d'un chef-d’œuvre hélas poussé dans l'ombre (pour le grand public) dès sa sortie tant par l'album rock que par le succès très relatif d'un film vite oublié.



Ce qui m'a donné envie de revenir sur quelques "B.O. à sketchs" de mon panthéon personnel.

A l'opposé du son homogène de Bernstein (et bien après l'oublié The Illustrated Man), Jerry Goldsmith se fend d'une véritable bande démo avec Twilight Zone: The Movie. Là, au contraire, les épisodes deviennent les réceptacles d'univers musicaux bien distincts (le lien étant moins nécessaire car assuré à priori par les référence à la série et son thème musical). Ensemble de percussions/synthés millitaro-exotiques, mélodrame orchestral williamsien, fantaisie faussement enfantine inquiétante et délirante entremêlant les techniques - la naissance du "son Joe Dante" -, mécanique staccato écrasante avec violon diabolique... Chaque sketch se montrant à la fois inventif et d'une grande évidence par rapport au sujet illustré. Une leçon (en fait, quatre leçons) de composition, soutenues par une qualité technique elle aussi de démo.



Objectivement bien inférieur si l'on considère les moyens mis en œuvre ainsi que le talent (dans l'absolu) de son compositeur, le Creepshow de John Harrison demeure pourtant un "album plaisir" de mon parcours béophilique, concocté avec soin à base de synthétiseurs (le film fait entendre un peu d'orchestre mais il s'agit de musique empruntée). Car à côté d'un thème générique inspiré avec comptine enfantine, éclairs et ricanements sinistres que je me suis passé en boucle quelques centaines de fois, Harrison parvient à associer des qualités mélodiques (surtout l'élan romantique un peu pervers de Something To Tide You Over) à une ambiance bien travaillée aux synthés, à peine cheap car toujours efficace dans sa nudité vintage, caractéristiques de l'époque et du genre. L'ensemble est inégal, mais voilà, il a ses bons moments et le film a marqué.

Dadid a écrit : ↑mar. 9 juil. 2024 23:45Heavy Metal [...] par le succès très relatif d'un film vite oublié.

Et après avoir vu "Planète Gros Nibards", l'épisode 3 de la saison 12 de "South Park", l'univers de "Métal Hurlant" prend assurément un autre sens.
N'abusez pas de l'urine de chat.

Même si visuellement et musicalement, c'est loin d'être un grand cru, je citerai aussi "Cat's Eye" d'Alan Silvestri.
Finalement, le seul point positif de ce film est la présence du chat.

Dadid n'a clairement pas fait dans la roupie de sansonnet en confiant à Heavy Metal le rôle inaugural de la bouteille qu'une main joyeuse envoie se fracasser contre l'étrave d'un navire prêt à découvrir les océans. De même, le vieux Van Cleef ne compte pas se satisfaire d'une demi-molle de flasque aloi ! Or donc, place à l'hypnotique intransigeance du Kaidan de Toru Takemitsu le grandissime. Loin d'être en reste face à la perfection plastique ayant panthéonisé le film de Kobayashi, le compositeur orchestre d'une main sèche une sorte de théâtre nô surgi des abîmes glacés de l'autre monde. Ce faisant, il nourrit un rapport dont l'ambiguïté touche à la schizophrénie avec les vieilles scies de la tradition nippone, lui qui affirmait fréquemment dans les premiers temps de sa carrière vouloir broyer le moule des formules par trop "anciennes" — à telle enseigne qu'il ficha au feu certaines de ses œuvres jugées passéistes par lui.

Creepshow, c'était un peu le film que tout le monde attendait, du moins ma génération.
Après la plupart des films que je connais ont été cités. Je remarque juste qu'ils viennent tous de la même décennie. Par contre un de mes préférés reste How the West Was Won (1962). Un classique quoi !
Pour terminer ce petit tour d'horizon, on peut reparler de ce film à 2 sketchs, Deux Yeux maléfiques dont la musique vient enfin d'être éditée en CD.

Mortimer a écrit : ↑ven. 12 juil. 2024 20:12 Par contre un de mes préférés reste How the West Was Won (1962). Un classique quoi !

Mais oui ! Comment l'oublier ?

Questa è una svista ancora più deplorevole

En effet, c'est réparé. Pas si facile de se remémorer les films à sketchs qu'on a pu voir... J'ai aussi songé à Dreams d'AK, mais on y trouve plusieurs compositeurs.

Comment ne pas citer la BO de l'excellent Alexandre Desplat pour son copain de toujours, l'extravagant Wes Anderson et son film a sketch controversée, The French Dispatch. La touche amené par l'univers d'Anderson est toujours là et Desplat parvient a tout illustrer de manières différentes tout en restant cohérent. Un coup de maître qui ne nous fait qu'attendre une prochaine collaboration entre les deux après leur très minimaliste Asteroid City.

Un peu l'inverse ici avec un excellent film et une BO plutôt sympathique, Sin City de Robert Rodriguez, Frank Miller et Quentin Tarantino et la musique composée le même Robert Rodriguez, John Debney et Graeme Revell. Le travail est plus ou moins partagé et en vérité c'est plutôt chouette.