Il est quant même étonnant de nos jours de devoir être astrophysicien pour pouvoir apprécier la valeur esthétique d'un film. Que je ne sois pas astrophysicien est une chose, que je sois pas doué d'une sensibilité droite pour apprécier la valeur artistique d'un film en est une autre ! Ce qui vérifie le caractère subliminal du film : il faut être ingénieur dans la NASA pour être un humain respectable : il faudrait être un scientifique dogmatique pour avoir une dignité morale, et le simple exercice critique à partir d'images esthétiques ne serait rien de moins qu'une simple divagation d'ignorant ! Je suis plus philosophe que scientifique, et désolé d'ailleurs, et pourtant l'épistémologie m'intéresse au plus au point ! Mais je défie quiconque sur ce site d'apporter une lecture sensée de ce film !
Pour vérifier le vieil adage qui nous dit que pour juger de la qualité d'une œuvre, il faudrait l'avoir lue ou vue en entier, j'ai vu la fin et « la finalité » d'interstellar. Vu au risque (bien entendu) de devenir bête ou lobotomisé, car les préjugés de départ sont si évidents et si fondés en réalité qu'il n'est besoin d'y revenir ! Un mauvais écrivain ou un mauvais réalisateur ne peut devenir du jour au lendemain un génie, et ceci pourtant même si on lui a accordé le bénéfice du doute durant 2 ou 3 ou 4 productions ! Qu'un Lucy soit une daube avant même qu'il paraisse (étant signé par un certain Besson), ou qu'un taxi quelconque ou qu'un « Ma femme s'appelle Maurice » vaille le coup d'oeil, et qu'il faille absolument le voir pour l'estimer à sa juste valeur, cela reste un principe hautement discutable. Pour ma part, guère besoin de voir ou de lire un produit, si l'auteur a justement commis, à plusieurs reprises, des produits. Mais bon, l'honnêteté prévaut toujours, et je suis d'une nature curieuse. Et puis on a tellement parlé d'interstellar, mais aussi de gravity, mais aussi de Lucy, et de « Ma femme s'appelle Maurice », etc. que la curiosité, que la déférence, que l'honnêteté intellectuelle s'imposent progressivement ! Les préjugés ont du bon, mais il suffit qu'on nous dise qu'il s'agisse de préjugés pour les examiner, même si au fond de nous la partie est perdue d'avance, et que nos préjugés malheureusement valaient de l'or ! Je tiens le préjugé comme un gage de vérité à condition que ce préjugé relève de l'appréciation consciente, critique et assumée et s'appelle conviction ! Mais qui a des convictions de nos jours ? Une conviction s'appelle aujourd'hui toujours préjugé !
Le problème d'un tel film, c'est qu'on pourrait en écrire des pages, car tout est emmêlé, et que sous des apparences de rationalisme, on est dans la confusion la plus totale. Or, le problème c'est qu'en en écrivant des pages, on donnerait une justification à ce produit, alors qu'il n'en mérite pas tant. Mais tant pis, je ne justifie rien, je veux savoir si cette « chose » fait sens ! Pour ma part, il s'agit d'emblée d'une vaste fumisterie !
Je voudrais donc revenir sur le sens même du film : le sens explicite, premier, lisible puis ensuite le sens prétendument profond qui est la suprématie des grands réalisateurs et qui doit être interprété gracieusement à partir d'une démarche cohérente. Que le film de Nolan ait un sens profond, cela reste à débattre. Que le sens premier soit déjà lisible est une autre affaire, puisque les scénaristes prétendent ici s'appuyer sur les théories de la relativité générale, de la gravité newtonienne, et de même de la physique quantique qu'on attribuera grossièrement à Plank et à Heisenberg. Je ne parle pas de la théorie des cordes, car cela est déjà bien compliqué comme cela.
Le principe de départ est pourtant fort simple : la recherche d'une planète de colonisation située dans une autre galaxie (la référence à Deep Impact de Mimi Leder est déjà claire), et pour cela il faut passer par un trou de verre (ou trou de ver, donc pour les puristes astrophysiciens dont je ne suis pas !

), ce qui oblige les astronautes à laisser sur terre leurs proches qui vieilliront voire périront (voilà pourquoi il conviendrait que les astronautes soient sans famille), alors que ces astronautes remontant le temps vivront en une heure sept années de vie terrestre. Cette planète devra répondre aux conditions de vie de la terre et ceci en raison de la raréfaction progressive de la nourriture et de l'oxygène qui aboutira donc à l'extermination de l'espèce humaine. Donc deux plans sont envisagés : envoyer des astronautes visiter d'autres planètes pour savoir laquelle sera idéale pour une future colonisation. Plan B : envoyer des germes de vie humaine sur une de ces planètes pour que l'espèce humaine survive (car l'espèce humaine est plus importante que l'individu, cela est sans cesse rappelé). Bon, passé ce cap, rien de sorcier, évidemment, mais on apprend par la suite que le plan A est une supercherie et que l'espèce humaine est en fait condamnée et que les astronautes qui ont été envoyé par le passé, ainsi que ceux qui sont à leur recherche, obéissent en définitive à une mission-suicide. Bref, pour le suspense, on peut faire beaucoup mieux. Nous avons au passage une belle explication des missions Apollo, des missions-suicides qui n'auraient eu d'autres buts que de démontrer la supériorité technique de l'Amérique face à l'URSS (guerre froide oblige, tout n'est qu'affaire d'intérêt et non de science désintéressée).
3 astronautes ont été envoyés il y a de cela 10 ans à la poursuite de planètes habitables ! Tous les 3 ont découvert une planète possible de colonisation ! Nous avons le docteur Miller (une femme qui est morte certainement) qui a découvert la planète Eau dont la gravité est 130% supérieure à la gravité terrestre (ce qui explique pourquoi les vagues sont retenues par une force gravitationnelle puissante), le docteur Mann (notre cher Matt Damon) qui a découvert la planète Glace dont la gravité est de 80% de celle de la terre, et enfin le docteur Wolff Edmund qui a découvert la planète Amour (et dont le docteur Brand est éprise, la fille romantique du récit qui prétend que l'amour est la solution de l'équation finale) mais dont le pourcentage de la gravité par rapport à la terre nous est inconnu (certainement une gravité incommunicable par la force des mots). Les deux premières planètes sont des impasses, la dernière reste une possibilité dont la fin du film nous donnera la clé.
Il faudra déjà m'expliquer pourquoi la gravité newtonienne est conçue comme la 5ème dimension de l'univers (alors que la quatrième dimension du temps avec Einstein suffisait déjà amplement), mais le pire dans tout cela c'est que la gravité des planètes, dont la planète Mann particulièrement, semble courber le temps à un point si impressionnant que cela semble aussi accélérer le temps (alors il faudra m'expliquer en quoi la gravitation puissante d'une planète peut avoir une influence sur le temps) ! Je ne suis pas astrophysicien, mais cela signifierait qu'une planète dont la densité est massive ferait que les individus qui s'y trouveraient échapperaient au temps, ou plutôt vieilliraient moins vite que les individus qui se trouveraient sur une planète dont la densité est moindre. Pour être clair, les habitants de la lune vieilliraient plus vite que les habitants de la terre ! Enfin, je n'ai jamais entendu parler d'une quelconque influence gravitationnelle sur l'uniformité du cours temporel ! Mais je veux bien être conçu comme un élève qui a tout à apprendre ! Il me semble quand même qu'une gravité exceptionnelle ferait que la planète s'anéantirait sur elle-même, ou se contracterait vu la force de la gravitation ! Mais bon, passons, je ne suis pas expert !
Mais le plus important dans le récit (enfin, je dis récit, cela reste à voir) reste la distinction entre le trou de ver et le trou noir ! Le trou de ver aurait cet avantage de permettre la remontée dans le temps (il s'agirait d'une sphère parfaite, puisque le schéma du plan de la feuille pliée est insuffisant, et qu'il faut lui adjoindre la dimension de la profondeur), alors que le trou noir est un point de singularité si dense que l'espace -comme le temps- aux alentours serait absorbé littéralement menant les corps dans une dimension inexplorée (tiens le trou noir de Disney n'est pas loin non plus). Il faudrait évoquer aussi le nom de Gargantua pour signifier le trou noir, car le Gargantua de Rabelais est, ne l'oublions pas, vorace, et quelle honte de mêler l'humanisme rabelaisien à des considérations de ce genre ! Pour plus de clarté, le trou de ver serait un passage vers le futur, le trou noir vers le passé (je simplifie pour aller plus vite, car le jeu n'en vaut guère la chandelle) !
Passons sur le robot effectivement original (rappel du Hal 9000 de 2001, même si celui-ci était statique et avait une parole plus métaphysique) et sur les successions de témoins ou de visages endoloris par le trauma de la catastrophe à venir ou étant survenue (rappel de la liste de Schindler de Spielberg avec en toile de fond la « Shoah » ?)
D'où la formule inénarrable de Romilly, qui me hantera bien des années encore "Si un trou noir est une huître, alors la singularité est la perle qu'elle renferme, la gravité est si forte que la singularité se cache dans l'obscurité derrière l'horizon" ! À faire apprendre à tous les élèves désirant la connaissance ! Que la masse des corps puissent courber l'espace-temps est une chose, mais cela ne préjuge en rien qu'en entrant dans ce tourbillon du trou noir, les corps ne soient pas happés et désagrégés ! Car cette mystérieuse "obscurité derrière l'horizon" (même si Romilly certifie à Joseph Cooper qu'on ne peut savoir ce qu'il y a derrière l'horizon !) cachera en fait par la suite le retour dans le passé ! Je voudrais bien savoir en quoi il y a une vérité quelconque à dire que les corps retourneraient dans le passé en entrant dans un trou noir ! Pour un film qui se prétend « scientifique », il s'agit d'une fiction, ou plutôt de science-fiction ! Mais le problème du film, c'est qu'il se positionne dogmatiquement comme « scientifique », sans avoir l'humilité de se poser comme rêverie ! Il faudrait y adhérer de par les discours professés, sans avoir besoin d'y croire librement !
Mais passons aux choses sérieuses par-delà le sens littéral qui est pour moi secondaire. Ce film parle de signes (Shyamalan évidemment avec Signes) d'êtres qui perturberaient la gravitation terrestre (le drone perdu, les tempêtes de sable, le sable sur le plancher de la famille Cooper qui observe des lignes parallèles avec même la pièce retenue sur une ligne, et tout cela indiquant les coordonnés de la base secrète ayant préparée les plans de sauvetage de l'humanité). Reste à identifier la nature de tels êtres ! La solution vient directement de la fille follement romantique (incarnée par la magistrale, et j'ironise, Anne Hattaway) du docteur Brand (follement éprise du docteur Edmund dont la planète est la planète Amour) : « ce sont des êtres qui communiquent par la gravité, ils ont 5 dimensions (le temps peut-être une dimension physique de plus) »
Bon, donc 5 dimensions : longueur, largeur, profondeur, temps et..... suspense.... 5ème dimension la gravité ! Découverte ultime de la science : la gravité newtonienne ! Quelle incroyable découverte métaphysique ! Mais il va s'en dire que cette révélation aura un impact décisif sur la résolution de l'énigme finale, car ces êtres à 5 dimensions ne sont en fait que Joseph Cooper lui-même (et peut-être les autres qui ont franchi les portes de la perception des trous noirs) qui communiquent avec lui-même et sa fille Murphy (la politique du pire selon la loi de Murphy) dans le présent (enfin le présent, on ne sait plus bien, puisqu'avec le trou de ver du futur, et le trou noir du passé, et les champs de maïs brûlés du présent, le spectateur est un peu prisonnier du temps aussi, et ne sait plus où se trouve l'action centrale). Nous comprenons pourquoi Joseph Cooper s'est lui-même donné les coordonnées de la base spatiale d'où il partira pour sauver la planète ! Le problème par contre est de savoir pourquoi il a diffusé ce telles informations, alors qu'à la fin, il veut que sa fille justement le retienne de partir ! On le saura certainement à la fin !
Cela va s'en dire que le sens du récit devient ici palpitant, en effet, quel pathétisme de voir le père vouloir communiquer avec sa fille alors que dans sa vie passée (présente ?), il a toujours voulu nier la présence de fantômes, qu'il incarne à présent étant réfugié dans une portion parallèle de l'univers, cloîtré qu'il est de ne pouvoir atteindre ses proches que par signes surnaturels (sixième sens de Shyamalan peut-être ?) ! Bref, cela ne m'a affectivement guère touché, le récit étant pauvre, la psychologie réduite à la portion congrue, et le didactisme l'emportant sur tout, même les sentiments !
Un film de fumiste qui se sert de la science comme justification alambiquée pour diffuser une idée pourtant simple que les images devraient pourtant montrer (mais ne montrent jamais, un comble pour un film financièrement doté) : l'amour est plus fort que la raison ! Personnellement, « le festin de Babette » de Gabriel Axel chante avec beaucoup de vertu, de louanges et d'authenticité la réconciliation des cœurs et la démission de la raison face à la force de l'amour, et ceci en utilisant l'image seule (les dialogues étant réduits au strict minimum de l'interaction entre les personnages dans la vie ordinaire d'une existence humble). Mais il n'est pas sûr qu'un spectateur lambda puisse comprendre le message simple, tout à fait généreux, mais inutilement factice et sophistiqué de Nolan. Pourquoi faire simple alors qu'on peut faire compliqué ? Et pourquoi s'embarrasser de sentiments alors que les théories scientifiques ont plus d'épaisseur et de valeur que les sentiments purs ? Pourquoi croire en la générosité de cœur de spectateurs, alors que notre civilisation est celle de la technologie, et de l'internet où les communications sont foisonnantes, et où tous ne recherchent que des stimulus pour expliquer rationnellement l'ordre du cœur ? Vanité des vanités, tout n'est que vent disait l'ecclésiaste certes ! Tout n'est que prétention évidemment, et face à un tel film, on ne peut que se sentir honteux de ne pouvoir ressentir une once d'humanité devant le tumulte des sciences prétendument acquises !
Un réalisateur de l'image vibrante s'il vous plaît, et non un professeur sentencieux et sans cœur ! Et tout le sens d'un tel film se retrouve dans la formule « l'amour et quantifiable » ! que prononce Joseph Cooper à propos de Murphy lorsqu'il est reclus dans sa réalité de « fantôme », ce qui sauvera évidemment le monde ! Le sentiment mesuré, quantifié, objectivé, laissé au compte goutte selon les normes de la science ! Bref, le cerveau avec ses connexions neuronales a triomphé ! Pourquoi faire dans le cœur et le sentiment après tout ? Tout n'est en fait qu'affaire de politique du pire ! Et la loi psychologique de Murphy est là pour le démontrer ! Effectivement, « Interstellar » est une belle illustration (refoulée certainement) de la politique du catastrophisme ! De toute façon, avec la perte inexorable d'énergie dans un système fermé à l'infini (et non isolé, car nul système n'est complètement isolé d'un autre) appelée entropie, on s'en doutait déjà un peu !
Nous allons enfin passer à la phase finale ! L'interprétation du sens profond ! La réconciliation du père avec la fille qui l'attendait finalement après avoir douté sérieusement de son amour (Job peut être ? Et Job a été finalement pardonné par Dieu) ! Un sens psychologique et religieux donc ! Par delà l'espace et le temps (et par-delà la gravité, il faut en convenir le Gravity de Cuaron a fait des ravages), reste l'amour des êtres, et seule sur sa planète qui accueillera finalement l'humanité (car la fille Brand a eu raison de croire en son Edmund chéri, un Tristan et Iseut, nouvelle version peut-être ? ), Amelia (alias Hattaway) attend son doux prince qui viendra l'aimer ! Ou attend aussi peut-être aussi le peuplement inopiné de la planète « Amour » par une fusée de germes de vie humaine ! Et le film se conclura ainsi : l'amour est plus fort que la science ! Il faut croire en la survie de l'humanité, car c'est de l'amour que naîtra la rédemption ! Et Lazare qui ressuscite miraculeusement de ses cendres ! L'amour et l'espoir qui triomphent de la science !
Bel exercice de funambule qui se contredit lui-même !