Le dernier épisode en date de
Total Trax a beau reposer sur une boutade avouée, son sujet n'en demeure pas moins offert à tous les possibles — comme le souligne d'ailleurs en fin de parcours le diablotin écarlate, lucide quant au très embryonnaire panorama qu'il en a dressé aux côtés de Rafik. À présent, au tour du vieux Van Cleef de mettre sur pied une humble liste dédiée au classique apocryphe, en dissertant notamment du rôle intradiégétique qui lui fut souvent attribué. Le
Windsor Concerto écrit par un Carlo Rustichelli échevelé dans
La Frusta e il Corpo oscille pour sa part entre deux mondes, réduit à l'image à quelques gammes fugaces au piano, lieu on ne peut plus commun pour qui déambule dans les décors baroques de l'épouvante
sixties ;
extra-muros, c'est-à-dire au seul bénéfice du spectateur affamé d'alacrité sadomasochiste, cette très belle pièce romantique chante aux confins d'un manoir enténébré le parfait amour, aussi délétère soit-il.
Avec
La 7ème Cible par contre, pas d'erreur, nous voici bien sur scène, où un autre concerto, pour violon cette fois, attise le drame en train de se nouer avec une expressivité triste bien éloignée des effets de manche colorés de l'amuseur public Cosma. La scène d'ouverture de
Wrongfully Accused nous met encore en présence d'un super-héros de l'archet, sauf que Bill Conti, malicieux comme pas deux, prend soin de contaminer le superbe premier degré à l'oeuvre (raffinement des orchestrations,
Love Theme scintillant de glamour) de quelques pizzicati ébréchés et d'une guitare électrique prête à tout casser — les sacro-saintes pitreries de Leslie Nielsen obligent.
Monstre colossal de l'art lyrique s'il en fut jamais, situé malgré tout aux antipodes du snobisme bon chic bon genre qui fut longtemps de rigueur dans le Landerneau dit classique, Pavarotti
ne tarissait pas d'éloges quant à John Williams à l'occasion du binôme que
Yes, Giorgio leur fit former. L'on chargea ce dernier, en sus du score de Michael J. Lewis, de ciseler une mélodie potentiellement "chantable" qui pourrait voisiner sans rougir avec
Nessun Dorma, l'archi-classique dont l'homme au mouchoir devint le porte-parole universel, et notre compositeur intrépide s'acquitta avec tous les honneurs de cette mission que maints autres eussent qualifiée d'impossible. D'autant plus mortifiants se révèlent les regrets de voir ce superbe berlingot systématiquement oublié, y compris par ses thuriféraires inlassables, au palmarès de Big John...
Mais au final, s'il n'avait fallu placer sous les feux des projecteurs qu'un seul échantillon de "simili-classique", je pense que j'aurais jeté mon dévolu sur
Suna no Utsuwa (Le Vase de Sable), enfanté là aussi en tandem par Yasushi Akutagawa et Mitsuaki Kanno. Heureux hommes que ces deux-là, qui s'emparent des rênes pour ne plus les lâcher lorsque l'enquête policière, rigoureuse et dépouillée, fruit d'un fastidieux travail d'investigation aux quatre coins du Japon, bascule soudain dans le mélodrame fulgurant où tout s'exacerbe. Seul sur scène, retranché de l'assistance pourtant pléthorique par ses souvenirs prééminents, un pianiste de renom livre son chef-d'oeuvre, une performance proustienne au déroulé de laquelle écloront peu à peu tous les secrets de l'incroyable énigme.