Janus a écrit :PJ30 a écrit :alors que pense-tu de la BO La villa del venerdi?
Un peu de patience, j'ai dit que je la réécoutais ce soir. Pour l'instant je prépare un risotto et je n'écoute jamais en cuisinant, sinon ça brûle...surtout avec Ennio!!

Voilà, j'ai réécouté la chose et les trois qualificatifs qui me viennent d'emblée à l'esprit sont: romantisme, "lancinance" et douceur très étudiée. Je vais tenter une explication sur ces points. Tout d'abord il s'agit d'un film de
Mauro Bolognini que je n'ai toujours pas vu. L'histoire: <<
À la suite de leur mariage, Alina déclare à Stefan qu'elle veut absolument avoir un amant. Stefan accepte à condition que sa femme lui relate tous les détails sur sa liaison. Mais bientôt, ce sera au tour de l'amant d'avoir des exigences…>> En fait, comme je l'ai déjà écrit ici, j'aimerais voir tous les films de Bolognini, même ceux qui n'ont pas été mis en musique par
Ennio Morricone, et même lorsque l'intrigue ne m'interpelle pas plus que ça, comme c'est d'ailleurs le cas avec
La Villa del Venerdi. Ils sont rares les réalisateurs dont je souhaite voir tous les films, mais Bolognini oui. Le premier thème principal démarre sur un "rolling-piano", mais pas dans le style de celui que l'on peut entendre dans
Dressé pour tuer ou encore dans
Le Professionnel, un "rolling-piano" continu qui installe une cadence marine; un peu le mouvement lancinant d'une eau faussement calme sur lequel se greffent des cordes lentes et transparentes et un thème mélodique porté par la douce flûte de
Paolo Zampini. On a l'impression en écoutant ce thème qu'il y a deux vitesses, celle rapide du piano et celle lente de la flûte solo. Peut-être un effet auditif, ce qui donne une dimension à la fois amoureuse et rêveuse à la musique, une dimension amoureuse et rêveuse qui se poursuivra sur d'autres moments importants de la partition. Je pense notamment à l'autre thème principal "
Fotographia della Villa" qui évolue dans un contexte harmonique assez particulier et caractéristique du "Morricone" des années 90 qui démarre de manière significative sur
State of Grace puis se réitère de façon aussi sombre mais en déjà plus romantique sur
Bugsy. Dans
La Villa del Venerdi, ce thème est d'essence encore moins sombre et plus romantique. Plus mélodique aussi. Il est surtout porté par l'alto solo de
Fausto Anzelmo, ce monsieur aux cheveux blancs et visage rieur que l'on apperçoit souvent dans ses concerts. J'ai l'impression qu'
Ennio Morricone préfère l'alto au violon. Lorsque j'écris que cette musique est souvent d'une infinie douceur, romantique et intimiste, il n'en demeure pas moins qu'elle porte discrètement un drame qui va éclore plus profondément dans la B.O. dans des moments de tension où l'on retrouvera le piano de
Gilda Buttà, sauf qu'il ne sera plus aussi aquatique que dans le thème d'ouverture. Le compositeur joue beaucoup sur la lenteur et la douceur et cela même si elle est ponctuée par les quelques pointes d'intensité dramatique que je viens d'évoquer. Le mystère avec le visage de la lune - métaphore personnelle - se dessinerait presque dans "
Alba lunare" avec la flûte basse solo. Soit dit en passant qu'en général j'aime beaucoup la manière dont Morricone emploie la flûte basse: à tout hasard, je pense au
Secret du Sahara, apportant une sensation de fraîcheur ou parfois d'étrangeté comme dans
La Gabbia. Sans être forcément mon extrait préféré, la conclusion intitulée "
Sara" m'a toujours fasciné par son infinie douceur, une douceur qui me semble si étudiée, si peaufinée, si lunaire, portée, cette fois, par une clarinette aussi légère qu'une plume, la clarinette de
Stefano Novelli...et quelle mélodie! Donc, lorsque tu me dis que tu es déconnecté de tout pendant l'écoute, je ne suis pas étonné. C'est le caractère-même de cette B.O. qui semble se nourrir des états intérieurs des principaux protagonistes.