Pourrais-tu m'en dire quelque chose de plus précis car je ne connais rien de ce compositeur et me demande si ce double-cd ne pourrait pas être justement une
belle entrée en la matière.
Ami Janus, que voudrais-tu savoir ? Je précise, avant que tu ne lises ce qui suit, que je ne suis pas un grand spécialiste de ce compositeur. Mais en effet, tu as raison, ce double cd (au format un tantinet casse-bonbons pour qui aime ranger ses cds comme à l'armée ("je ne veux voir qu'une seule tête, bande de bleus !"

)) est une excellente occasion de rentrer dans l'univers du monsieur. Schématiquement, je peux te dire que le second cd a ma préférence (non que le premier soit moins bon) de part sa qualité d'orchestration et la richesse des thèmes.
Pour ce qui est du cd 2, on y trouve beaucoup de beaux thèmes, souvent servis au piano (comme dans
ISI & DISI, thème délicat au piano, épuré, clarinette et fond de cordes ;
LOS LADOS DE LA CAMA, plus mélancolique encore, joue la carte de la sincérité par le biais d'accords de base relativement simples (même si de temps à autre, il y a des 7è de jazz) et d'un thème tout en finesse ;
ENCUENTRO CON MARIA, plus tragique avec une instrumentation restreinte (piano, violoncelle, alto et harpe) ;
FRAGILE (un de mes morceaux favoris) s'enfonce plus avant dans la tragédie élégiaque en exposant une chorale quasi religieuse, des cordes reprenant le thème en n'oubliant jamais de porter en eux un contrepoint intéressant).
800 BALAS nous emmène faire un tour du côté du western (rythmique ad-hoc avec une intro très Coplandesque, banjo, gimbarde, trompette solo, guitare sèche, tambourin etc... bref, l'americana avec une touche ibérique).
LA LUZ DE LA MESA nous transporte en Orient (encore une fois par le biais d'un rythme adéquat et d'une instrumentation idoine).
EL 7 DIA expose un magnifique jeu à la guitare sèche dans une mélodie reprise ensuite au violoncelle qui rappelle les lentes agonies Tchaikovskiennes.
THE MACHINIST est un hommage à Bernard Herrmann dans les sonorités déployées, même si dans l'extrait présenté cela est moins flagrant que dans le reste de la partition sortie séparément dont on peut trouver un bel héritage également dans
THE KOVAK BOX, la petite touche Chris Young en plus, avec sa base de piano obsédante et des montées de cordes laissant présager un suspens tout à fait mystérieux.
CRIMEN PERFECTO distille une atmosphère de suspens (mais point d'atonalité ici, beau thème, valse lente puis quelques allusions rythmiques à Danny Elfman par le piano, les choeurs, et des mouvements frénétiques de cordes (je précise : toujours en incorporant le thème mais il m' a fallu plusieurs écoutes pour découvrir à quel point c'était finaud) et d'où surgissent parfois une voix solo soprano, un clavecin etc...) Morceau très prenant.
Toutes ces suites tournent souvent autour des 5-6 minutes (ce qui est suffisant pour donner solidité, cohésion ET fluidité (un des maitres mots de la musique de Banos)) excepté le morceau de bravoure que constitue
EL CAPITAN ALATRISTE (10 min de mémoire), dont l'introduction rythmique (là encore, très espagnole) avec les percussions sèches, la guitare, le hautbois se fond progressivement dans un ensemble plus massif, toujours très rythmé, où les divers motifs orchestraux se répondent avant qu'un choeur masculin ne vienne muscler le tout. Nous avons droit à une transition noble et solennelle, portée par des cordes empreintes de majesté (le thème y aidant beaucoup) et le retour de ce choeur grave et néanmoins tout en retenu. Cette mélodie (j'insiste sur sa beauté, simple et émouvante) va parfois faire un détour du coté de chez DeFalla et finit sa progression, percussions à l'appui, dans la grandeur des cuivres.
Le cd se termine par une série de morceaux jazzy (batterie, piano, basse, harmonica) ou rock (batterie, basse elec, synthé, saxo, guitare elec), moins convainquant que le reste, et quelques maquettes synthé relativement dispensables (
TORRENTE notamment, bien meilleur sur le premier cd avec l'orchestre).
Le premier cd de ce beau coffret (dont les pages n'arborent, hélas pour moi qui regrette de ne l'avoir étudiée, que la langue de Servantes) comporte lui aussi de beaux moments (même s'il semble légèrement plus orienté vers la comédie et l'action).
Voilà, j'espère t'avoir donné (et à ceux qui ne connaitraient pas) l'envie de découvrir ce bel objet, rempli de morceaux variés mais qui ont l'avantage d'avoir tous en commun le même sens de la mélodie et de l'orchestration riche qui émanent indéniablement du même compositeur (qui possède sans le moindre, ce qu'on appellerait ici sans risque de galvaudage, "une patte" bien personnelle).