Pas de doute à avoir, pas de mystère à éclaircir : quand on ouvre un topic sur un compositeur pour qui l'on nourrit une inaltérable estime, le désir d'en fiche aussitôt plein les oreilles au béophile de passage va immanquablement de pair. Pas question d'inaugurer le fier édifice avec un scoraillon sans vigueur ! C'est d'une bête de concours dont nous avons besoin, d'un conquérant au sourire de requin qui n'accordera aucun quartier. Et ma réécoute toute fraîche d'Adventures of Don Juan, motivée par une fantaisie subite, a posé ce tourbillon de swashbuckling ô ! combien réjouissant comme l'une des plus altières figures de proue dont pouvait rêver un fil dédié à Max Steiner. Merci mille fois au fantastique thème principal, qui ferraille et se catapulte de lustre en balcon haut perché avec un panache tel qu'Errol Flynn n'a pu s'empêcher sans doute de le jalouser (Superman non plus, dirait-on, puisqu'à chaque fois que tonitruait le bondissant refrain je m'attendais, allez diable savoir pourquoi, à ce que le thème de John Williams vienne taper l'incruste). Mais le reste, tout hérissé de joyeuses castagnettes, peint aux couleurs éclatantes de ce que Hollywood croyait alors être l'Espagne affamée de jouissances, se défend rudement bien aussi. Gentlemen, voilà ce qu'il est convenu d'appeler un classique — un pur et dur, du genre qui ne tire pas la langue d'épuisement au bout de seulement quelques années maigrichonnes.

Le réenregistrement produit par Tribute fut pour moi une révélation ! Un score sans doute un peu oublié, et qui garde pourtant ses couleurs face aux monument du genres. Steiner y suit volontairement - et très bien - les traces de Korngold, ce qui n'est pas pour me déplaire. Son côté bondissant et ses espagnolades romantiques lui donnent un côté BD qui semblent l'avoir empêché de vieillir, ce qui est moins le cas d'un The charge of the light brigade, certes parfaitement élaboré mais qui "me parle moins" comme on dit. Don Juan et She, également chez Tribute, furent deux apports majeurs à mon étagère Steiner à côté des indétrônables statues dorées Kong et Gone with the wind...

Marrant... Je m’apprêtais à relancer ce topic après avoir réécouté Don Juan, pour m’apercevoir qu'au milieu du flot continu de dithyrambes alimenté par ses centaines d'admirateurs, j'avais déjà résumé ce que j'en pensais. Il ne me reste qu'à plussoyer sur moi-même... Et évoquer en passant la dramatique partition que Steiner écrivit en 1947 pour Persued (La vallée de la peur) de Raoul Walsh, ressorti il y peu en BD/DVD. Une BO éloignée des canons musicaux dont le western se parera par la suite, proche de Kong par son style et un de ses motifs, somme toute un poil trop classique à mon goût pour ce film tout en contrastes et en psychologie qui aurait collé comme un gant à Bernard Herrmann. Mais Steiner, pour qui ce ne devait être qu'un film entre deux autres, s'en tire avec les honneurs. La densité de sa composition est bien dans l'esprit "film noir" de ce western, et son apport est indéniable. Vision conseillée !

Ravi d'apprendre qu'il existe un réenregistrement de ce Don Juan, car la piste d'ouverture du CD de Gerhardt Captain Blood m'a justement beaucoup plu. Et je crois que c'est la première fois que l'écoute d'un morceau de ce compositeur me donne envie d'en entendre plus.
Au risque de me faire taper sur les doigts j'avoue que le score de King Kong entendu dans le film ne m'a pas vraiment donné envie de tenter une écoute isolée. Mais il faudra quand même que j'essaie à l'occasion, je sais que ça reste un classique...

Ne cache pas tes doigts, je n'écoute pas beaucoup de Steiner moi-même, bien que j'aime beaucoup certains de ces travaux, et je conçois que les accords "films de monstre" devenus ensuite un cliché de King Kong puisse rebuter... surtout en son optique de 1933. Je ne peux donc que te conseiller, encore plus que le réenregistrement intégral moscovite de Morgan/Stromberg, celui du National Philharmonic Orchestra dirigé par Fred Steiner en 1976 (pour bénéficier de la sortie du remake) qui m'a fait découvrir et aimer cette musique : c'est un album assez court mais pas trop non plus (presque 48 mn), dont les arrangements ne sont pas toujours totalement fidèles aux originaux (Chris Palmer est passé par là) mais généralement pour le meilleur (le final !), la bête ayant en outre été superbement capturée par Bob Auger. La concision est une autre qualité de cet album bien qu'il y manque des scènes, évidemment. Si dans cette belle stéréo tu ne kiffes pas au minimum la "Jungle danse", l'entrée de Kong et surtout le montage final de la séquence New-yorkaise et ses mesures finales, je baisse les bras ! Mais trouve-t-on encore ce CD pour pas cher ? Apparemment OUI ! Ou encore ici. C'est la première édition, sauf erreur il y eut ensuite celle-ci - là ne pas se fier aux commentaires qui correspondent à la version intégrale Marco Polo, que certains préfèrent au demeurant. Elle a l'avantage d'être complète et parfois plus fidèle à l'original, mais n'a jamais pu me faire oublier certaines versions et l'impact de l'autre album. Pour tout dire c'est resté un des albums phares de ma BOphilie, que j'écoute régulièrement.

Concernant Don Juan, j'avais exactement le même sentiment que toi, et je n'ai pas été déçu. L'enregistrement Morgan/Stromberg n'a pas de concurrence et n'en a pas besoin, à mon avis il est parfait.

Merci beaucoup pour le conseil sur King Kong, je pense effectivement qu'une version plus courte m'ira très bien pour découvrir en dehors du film, même si j'aime beaucoup les réenregistrements de Stromberg en général !

à mon avis tu peux y aller sans craintes. Même si tu n'aimes qu'à petites doses, ça reste un classique fondateur qu'il est intéressant de redécouvrir, pour son travail sur les leitmotiv, la fureur de certaines séquences, ou l'invention de ce simple motif de trois notes descendantes pouvant osciller entre mystère, menace et tristesse (auxquelles répondent si bien le motif de "la belle" à la fin), qui continue de faire des émules.

J'arrive après que les fumées de la bataille aient achevé de s'effilocher dans l'air chargé des râles affreux des moribonds ? Qu'importe, il n'est jamais trop tard pour ébruiter la bonne parole auprès des curieux faisant si manifestement montre de leur soif d'apprendre... Ainsi donc, et bien que ce soit loin d'être la première fois que je hisse d'un bras orgueilleux l'étendard de cette formidable partition, je me permets de recommander chaudement (torridement, même ! Jarnicoton, ça se dit pas...) au béophile sans nom l'écoute, qui promet d'être extasiée, de The Most Dangerous Game. Ne serait-ce que pour le thème du balafré Zaroff, tout à la fois noble et violent, qui représente dans la carrière très fournie de Steiner un big achievement... Comble de joie, le réenregistrement conduit de main de maître par le vénérable Stromberg se double fort avantageusement de celui de Son of Kong, qui braconne sur des terres en tout point contraires (les yeux ahuris que roule le rejeton benêt du roi de Skull Island n'y sont pas pour rien) mais cependant toujours aussi riches et fertiles.

Merci pour le conseil ! Je l'ajoute à ma liste d'écoutes !

Ah mais oui dis donc, Old Ninja me l'a déjà fourgué celui-là. J'avoue m'être facilement laissé convaincre par son argumentaire d'acier, et au final je ne l'ai pas regretté.

Alors il se trouve que j'ai accès, en streaming, à la quasi totalité, je crois, des réenregistrement de Stromberg pour le Golden Age. J'ai donc tenté l'écoute de son King Kong, et c'est bien plus intéressant que l'impression que j'en avais effectivement, avec beaucoup plus de finesse (le son d'époque dans le film n'avait pas aidé à mon avis). Bien plus intéressant mais un peu trop long, surtout dans sa deuxième moitié, je vais donc plutôt essayer de mettre la main sur le réenregistrement de Fred Steiner.
J'ai également pu écouter (une seule fois pour le moment) The Most Dangerous Game et j'y reviendrai dès que possible. Le thème principal et ses différentes variantes sont effectivement assez prenants (j'ai bien apprécié la version piano à laquelle je ne m'attendais pas sur le moment). Beaucoup aimé Son Of Kong également, peut-être plus que King Kong en fait.
Bref, à réécouter, tout ça, et encore merci pour les conseils !

Nameless1138 a écrit :et encore merci pour les conseils !

"A la bonne heure ! Abordons maintenant la question de mes honoraires..."

De lui, j'aime "All this and heaven too", c'est à dire "L'étrangère", film d'Anatole Litvak avec Bette Davis, CD qui m'a été suggéré par Amazon après divers achats de compositeurs de l'époque.

Evidemment, à déconseiller aux gens qui n'aiment pas les musiques de cette époque, c'est très daté, mais je trouve que c'est ce qui en fait le charme.

Je te conseille l'excellent (comme toujours) reenregistrement dirigé par Stromberg de "She" dont la composition n'a rien de "datée".

Ballanmire a écrit : ↑sam. 18 févr. 2023 21:08 Je te conseille l'excellent (comme toujours) reenregistrement dirigé par Stromberg de "She" dont la composition n'a rien de "datée".

Merci du conseil Ballanmire. Au sujet de "L'étrangère", je me suis mal exprimé et tiens à rectifier : moi, je ne trouve pas cela daté, j'ai dit que certains peuvent à tort le penser. C'est réenregistré par William Stromberg et le son est nickel. Au contraire, c'est un disque à conseiller à ceux qui ne jurent que par les compositeurs d'aujourd'hui, ils gagneront à découvrir que l'on n'a pas à rougir du passé.

Ces reenregistrements ont un mérite effectivement : proposer une qualité audio qui permet de ne pas rebuter ceux allergiques aux prises de son d'époque à la limite de l'archive sonore (j'aime bien ce côté suranné qui remet dans le contexte mais je reconnais qu'il faut être solide pour y trouver un plaisir à l'écoute).